Raynal-Mony 27/03/15
Forum Universitaire Gérard Raynal-Mony Séminaire 10 Année 2014-2015 le 27 mars 2015 Newton : De la mécanique céleste
Mais, comme les artisans ont coutume d'opérer peu exactement, on en est venu à distinguer toute la mécanique de la géométrie, de sorte qu'on rapporte tout ce qui est exact à la géométrie et tout ce qui l'est moins à la mécanique. Cependant, les erreurs ne viennent pas de l'art, mais de ceux qui les pratiquent. Un mécanicien est d'autant plus imparfait qu'il opère avec une moindre exactitude et il est le plus parfait de tous s'il est capable d'opérer avec la plus grande exactitude. Car les descriptions et des lignes droites et des cercles sur lesquels la géométrie est fondée concernent la mécanique. Ces lignes, la géométrie n'enseigne pas à les décrire, elle les postule. Elle postule en effet que le néophyte apprenne à les décrire exactement avant d'atteindre le seuil de la géométrie ; cette science enseigne ensuite la manière de résoudre les problèmes au moyen de ces descriptions. Certes, décrire des droites et des cercles constitue bien des problèmes, mais ils ne sont pas géométriques. C'est de la mécanique, qu'on tire leur solution ; en géométrie, on enseigne le parti à tirer des problèmes résolus. Et la géométrie se vante de le prouver avec peu de principes tirés d'ailleurs. Elle est donc fondée sur la pratique mécanique et elle n'est rien de plus que cette autre partie de la mécanique universelle où elle se propose et démontre l'art de mesurer avec rigueur. Mais, comme les arts manuels s'appliquent principalement à mouvoir les corps, on en est venu à rapporter communément la géométrie à la grandeur, la mécanique au mouvement. Et c'est en ce sens que la mécanique rationnelle sera la science et des mouvements qui résultent des forces quelconques et des forces qui sont requises pour des mouvements quelconques. Cette science sera [ici] établie et démontrée rigoureusement. [...] Livre I. Méthode des premières et dernières raisons - La sous-tendance évanouissante d'un angle de contact, dans toutes les courbes ayant une courbure finie au point de contact, est à la fin [du temps d'évanouissement] en raison double de la sous-tendance de l'arc, qui délimite cet angle. [...] Ce que l'on a démontré pour les lignes courbes et les surfaces qu'elles embrassent s'applique facilement aux surfaces courbes et à ce qu'elles contiennent. De fait, j'ai mis ce lemme en premier lieu, afin d'échapper à l'ennui de déployer de longues démonstrations jusqu'à l'absurde, selon la coutume des anciens géomètres. En effet, la méthode des indivisibles permet de restreindre les démonstrations. Mais, parce que l'hypothèse des indivisibles est plus rigide et que cette méthode en est jugée moins géométrique, j'ai préféré conduire les démonstrations qui suivent au moyen des dernières sommes et raisons de quantités évanouissantes ; c'est-à-dire jusqu'aux limites de ces sommes et raisons. [...] Par la suite donc, quand je parlerai de quantités aussi petites que possible, évanouissantes ou dernières, parce que j'ai soin de rendre mon propos facile à concevoir, qu'on se garde bien de comprendre par là des quantités déterminées par leur grandeur, mais qu'on pense toujours qu'elles doivent diminuer sans limites. (trad. nouvelle M.-C. Biarnais, in Cahiers d'Histoire et de Philosophie des Sciences, n°2, 1982) Livre III. Scholie générale - J'ai expliqué jusqu'ici les phénomènes célestes et ceux de la mer par la force de la gravitation. Cette force vient de quelque cause qui pénètre jusqu'au centre du Soleil et des planètes, sans rien perdre de son activité ; elle n'agit point selon la grandeur des superficies (comme les causes mécaniques) mais selon la quantité de matière ; et son action s'étend de toutes parts à des distances immenses, en décroissant toujours dans la raison doublée des distances. La gravité vers le Soleil est composée des gravités vers chacune de ses particules, et elle décroît exactement, en s'éloignant du Soleil, en raison doublée des distances, et cela jusqu'à l'orbe de Saturne, comme le repos des aphélies des planètes le prouve, et elle s'étend jusqu'aux dernières aphélies, si ces aphélies sont en repos. Je n'ai pas pu encore parvenir à déduire des phénomènes la raison de ces propriétés de la gravité, et je n'imagine point d'hypothèses (hypotheses non fingo). Car tout ce qui ne se déduit pas des phénomènes est une hypothèse ; et les hypothèses, soit métaphysiques, soit physiques, soit mécaniques, soit celle des qualités occultes, ne doivent pas être reçues dans la philosophie expérimentale. Dans cette philosophie, on tire les propositions des phénomènes, et on les rend ensuite générales par induction. C'est ainsi que l'impénétrabilité, la mobilité, la force des corps, les lois du mouvement, et celle de la gravité ont été connues. Il suffit que la gravité existe, qu'elle agisse selon les lois que nous avons exposées, et qu'elle puisse expliquer tous les mouvements des corps célestes et ceux de la mer. - (rééd., Dunod, Paris, 2005, p. 412-413) Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, (³1726) ; trad. Mme du Châtelet, 1756. |