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Raynal-Mony 13/03/15

Forum Universitaire                                                   Gérard Raynal-Mony                              Séminaire 9

Année 2014-2015

                                                                                   le 13 mars 2015

Huygens lecteur de Descartes

 

Ce qui m'a fort plu au début quand cette philosophie a commencé de paraître, c'est qu'on entendait M. Descartes, au lieu que les autres philosophies nous donnaient des paroles qui ne faisaient rien comprendre, comme ces 'qualités', 'formes substantielles', 'espèces intentionnelles', etc. [...] Mais ce qui a surtout recommandé sa philosophie, c'est qu'il n'est pas demeuré à donner du dégoût pour l'ancienne, mais qu'il a osé substituer des causes qu'on peut comprendre de tout ce qu'il y a dans la nature. (Œuvres complètes X, p. 399-406 [OC])

(lettre à Baillet à propos de son ouvrage, La vie de M. Descartes, 1691 ; FC, p. 115)1


M. Descartes avait trouvé le moyen de faire prendre ses conjectures et fictions pour des vérités. Et il arrivait à ceux qui lisaient ses Principes de philosophie quelque chose de semblable à ceux qui lisent des romans qui plaisent, et font la même impression que des histoires véritables. La nouveauté des figures de ses petites particules et des tourbillons y font un grand agrément. Il me semblait lorsque je lus ce livre des Principes pour la première fois que tout allait le mieux du monde, et je croyais, quand j'y trouvais quelque difficulté, que c'était ma faute de ne pas bien comprendre sa pensée. Je n'avais que quinze à seize ans. Mais y ayant depuis découvert de temps en temps des choses visiblement fausses, et d'autres peu vraisemblables, je suis fort revenu de la préoccupation où j'avais été.

(lettre à Baillet à propos de, La vie de M. Descartes, 1691 ; OC, X, p. 403 ; FC, p. 110)


Je me suis déjà entretenu avec vous, il y a quelques temps, des efforts et des polémiques de ceux qui désirent qu'on les appelle cartésiens. Alors qu'ils estiment, quant à eux, qu'il est possible de sauvegarder tous les dogmes de cet homme à l'esprit des plus pénétrants, ils se trompent grandement, à mon sens, et cela j'en ai témoigné, en ce qui regarde les questions physiques, dans ce  que j'ai récemment fait publier au sujet de la lumière et de la cause de la pesanteur. J'ai dit en effet que, dans la plupart des thèmes physiques qu'il a traités, Descartes selon moi s'est trompé. Si vous en voulez un recensement, je dis qu'il s'est trompé sur les règles du mouvement des corps par collision, sur les tourbillons célestes, sur la cause des comètes, sur les parhélies, sur l'expansion instantanée de la lumière et sur beaucoup d'autres sujets. Mais en géométrie aussi il n'a pas été sans se fourvoyer en quelques endroits. En métaphysique, il me semble que jamais l'existence de Dieu ni l'immortalité de l'âme n'ont été démontrées. Par là je pense qu'il est aisé de comprendre [...] ce que je serais prêt à répondre à cette question que vous avez posée, savoir si je juge qu'il y a une philosophie de Descartes telle qu'elle puisse être enseignée publiquement et en privé dans les écoles.

(lettre à G. Meier de juin 1691 (OC, X, p. 104-105 ; FC, p. 112-113)


Descartes il est vrai a osé fonder de nouvelles lois [du mouvement] contre la foi des expériences, dont il a dit qu'elles ne nécessitaient aucune démonstration pour ceux qui entendent ses principes. Propos qu'un nombre non négligeable de gens embrassent, à ce que je vois. »   (OC, XVI, p. 100 ; FC, p. 133)


Contre le dogme de Descartes, selon lequel la nature ou la notion du corps consiste dans la seule extension, j'ai quant à moi une notion de l'espace, distincte de celle du corps. L'espace est ce qui peut être occupé par le corps. Le corps, ce qui occupe l'espace, ne peut certes être conçu sans l'extension, mais à quoi il faut, outre l'extension, accorder qu'il n'admettra aucun autre corps dans l'espace qu'il occupe. Cette idée, tous les philosophes, que dis-je tous les hommes l'ont eue, aux époques précédant Descartes, lequel semble avoir imaginé par-dessus la sienne propre, afin qu'elle explique qu'il n'y a pas d'espace vide, ce dont il pensait avoir besoin pour prouver la propagation instantanée de la lumière, sans décalage dans le temps, ce que le raisonnement et l'expérience ont démenti.

(Manuscrit H, Adversia, p. 97 ; OC, X, p. 300, août-sept. 1692 ; FC, p. 135, 137)


Il me semble que Descartes ait voulu décider sur toutes les matières de Physique et Métaphysique, sans se soucier s'il disait vrai ou non. Et peut-être cela n'est pas inutile d'en user ainsi à des personnes qui se sont acquis une grande réputation d'ailleurs, parce qu'ils excitent d'autres à trouver quelque chose de meilleur. Il s'est abstenu pourtant de toucher à la production des plantes et des animaux, sans doute parce qu'il n'a pas vu le moyen de les faire naître du mouvement et de la figure des particules ainsi que le reste du corps qu'il considère.   (OC, X, p. 303-304 ; FC, p. 262)